La Belle et la Bête / Madame de Villeneuve
Quel plaisir que de le lire la version originale d’une œuvre parue en 1740 que j’aime vraiment beaucoup et que je ne connaissais, jusque-là, que dans sa version destinée aux enfants ou dans ses adaptations cinématographiques que je revois toujours avec autant de plaisir : « La Belle et la Bête » sous la plume de Gabrielle-Suzanne DE VILLENEUVE (1685 – 1755).
J’ai déjà une belle collection de grands classiques réédités dans la version Hugo Poche et c’est un format qui me convient assez bien pour redécouvrir des histoires déjà lues, il y a très longtemps, ou pour en découvrir de nouvelles à côté desquelles il aurait été dommage que je passe. Et de manière évidente, « La belle et la bête » devait rejoindre ma bibliothèque.
Les titres déjà présents dans collection Hugo Poche Classique ont tous des couvertures sublimes et « La Belle et la Bête » ne fait pas exception. Elle a une simplicité assez émouvante et une pureté à l’image de l’héroïne que l’on va suivre dans ce tout petit format qui ne compte que 170 pages (pour l’histoire par elle-même).
Malgré une écriture qui n’est pas contemporaine - eh oui quelques années se sont écoulées depuis 1740 - sur une narration externe, je n’ai eu aucun mal à me plonger dans ce conte pour lequel la base est assez fidèle à celle des versions déjà connues pour ce qui est des adaptations cinématographiques. Mais en bien plus détaillé, ce qui est vraiment appréciable.
« Eh bien, mon cher père, lui dit-elle, puisque vous me l’ordonnez, je vous supplie de m’apporter une rose. J’aime cette fleur avec passion ; depuis que je suis dans la solitude, je n’ai pas eu la satisfaction d’en voir une seule »
Dans cet écrit très descriptif et narratif, je n’ai ressenti aucune pesanteur au cours de ma lecture. L’auteure a tellement mis de soin à ne laisser aucun détail de côté, que le récit est vraiment captivant et absorbant. A un point tel, que je me suis rendue compte au bout de 70 pages seulement qu’aucun chapitre ne compose ce texte qui se déroule d’un seul tenant au fil des pages. C’est assez atypique mais franchement, ça passe tout seul. Probablement une particularité des textes classiques mais à laquelle il est très facile de s’habituer.
C’est un conte moins édulcoré que nous livre Mme DE VILLENEUVE par rapport à ce que nous connaissons. Habituellement, dans les adaptations, de nombreuses choses ou détails sont occultés mais là, le plaisir est vraiment réel de découvrir l’histoire telle qu’elle a été imaginée avec le contexte de l’époque, les conditions de vie qui étaient différentes des nôtres, avec un langage plus travaillé et surtout à laquelle a été ajouté une belle dose de féerie pas forcément rose mais qui a le mérite d’être très efficace.
Pour avoir vu deux versions cinématographiques de cette œuvre, j’ai été agréablement surprise de constater qu’un grand nombre de points de cette édition se retrouve dans ce que je connaissais jusque-là. Bien sûr, bon nombre de détails diffèrent ou sont absents dans un but de modernisation mais de manière générale, on est sur quelque chose de cohérent avec l’idée originale.
Le personnage de Belle est typiquement celui qui se démarque de tous les autres, par sa bonté, sa générosité, sa simplicité et surtout par l’amour qu’elle porte à son père pour lequel elle ne va pas hésiter à se sacrifier, alors même qu’elle n’est pas certaine du sort qui l’attend vraiment. Jeune femme réfléchie qui n’est pas attachée aux futilités et aux apparences, elle se révèle être celle qui saura voir la Bête autrement que comme un monstre, au-delà des apparences qui peuvent être trompeuses.
« Prends les mesures convenables pour que ton union soit éternelle. Il est plus avantageux d’avoir un mari d’un caractère aimable, que d’en avoir un qui n’ait que la bonne mine pour tout mérite »
En ce qui concerne la Bête, on est sur un personnage assez énigmatique, assez peu présent au contact de Belle et qui soulève pas mal de questions. Car au début de l’œuvre de Madame de Villeneuve, on ignore tout des conditions qui l’ont amené à devoir vivre sous cette apparence – qui apparaît comme différente de celle qu’on connaît déjà -. Et, au fil de la lecture, on se rend compte que toute l’histoire repose sur ce mystère qui doit impérativement être entretenu. Mais dans quelle limite ? Toute la question est là et on reste dans l’attente du dénouement qui délivrera enfin la nature de ce secret.
Ce récit, à défaut d’avoir des chapitres, est scindé en deux parties ; la 1ère s’achevant sur un passage essentiel qui pourrait remettre en question toute l’histoire, telle qu’on la connaît. La 2nde donnant une autre direction au récit qui le complète de manière assez approfondie puisqu’elle lève le voile sur certaines zones d’ombres, sur certaines questions que l’on pouvait se poser et sur certains détails auxquels je ne m’attendais pas. C’est sur une fin de conte inattendue, grandement enrichie que l’on referme le livre, avec une impression d’œuvre pleinement achevée.
« Permettez-moi de m’absenter pendant deux mois, et je vous promets de revenir avec joie passer le reste de ma vie auprès de vous, et de ne vous jamais demander d’autres permission »
On ne va pas se mentir, si vous êtes une adepte de la version musicale cinématographique de Disney avec Emma WATSON, vous ne retrouverez pas l’aspect romancé et musical, dans l’œuvre originale de Madame de Villeneuve. On est sur une version plus sombre et sur un rythme bien différent. Même si j’avoue qu’il y a un petit quelque chose de romantique qui s’en dégage alors que la Bête semble plus repoussante et plus passive que dans la version Disney. Ah, les mystères de la littérature !
« Je t’aime tendrement ; seule, tu peux faire mon bonheur en faisant le tien. Ne te démens jamais. Etant supérieure aux autres femmes par les qualités de ton âme mais aussi par ta beauté, nous serons parfaitement heureux »
Je suis vraiment ravie de m’être plongée dans cette version originale qui est accessible pour un tout petit prix (3,95€) et qui permet de redonner toutes ses lettres de noblesses à une œuvre, initialement issue d’un recueil, qui a été détournée dans son contenu pour s’adresser à un public certainement différent.
Cette collection Hugo Poche Classique, déjà bien étoffée, est une très belle manière de découvrir ou redécouvrir des classiques pour leur donner une 2nde vie et pour sortir de nos lectures habituelles. Il suffit de trouver les titres qui nous correspondent et « La Belle et la Bête » est assurément celui qui peut s’adresser au plus grand nombre d’entre nous. Alors belle lecture !