Nos âmes tourmentées / Morgane MONCOMBLE
Une page, une simple page de 24 lignes de prologue (qui se passe en 2012) pour savoir que mon instinct ne m’avait pas trompé ; pour savoir que cette histoire serait un coup de cœur. Et pourtant c’était un gros risque ! Personne n’est parfait ; je ne fais pas exception à cet adage !
Pour être honnête, le premier roman qui a lancé Morgane MONCOMBLE, « Viens, on s’aime » n’a pas résonné en moi comme il a résonné en de très nombreuses lectrices. Je suis navrée de le dire mais je ne suis même pas sûre d’être allée au bout de l’histoire tant cet univers ne me correspondait pas. Et le 2ème roman, que j’ai « jugé » être dans la même lignée, n’a pas du tout attiré mon attention. Mea culpa envers l’auteure qui a, quand même, su trouver son lectorat. Comme quoi, je ne suis pas parole d’évangile J’espère que Morgane ne me tiendra pas rigueur de cette franchise
Quand « Nos âmes tourmentées » a été dévoilé au public, je suis tombée « amoureuse » au 1er regard de cette couverture magnifique avec une typographie percutante. Je l’ai acheté de suite pour être sûre de l’emmener au F.N.R 2019 à Lille pour qu’il soit dédicacé. Je pensais le lire rapidement et puis les semaines ont passé ; il est resté bien au chaud dans ma P.A.L. Il s’est rappelé à moi et quelle rencontre ! Un vrai coup de cœur voire un coup de foudre !
C’est à Charleston, cette fois-ci en 2018, que l’auteure pose l’histoire, d’Azalée, 22 ans, jeune pâtissière dans un salon de thé new-yorkais et animatrice d’un podcast « Dear Patriarchy », son refuge, tel un exutoire aux démons du passé. On l'accueille plusieurs mois après le décès de sa mère. La jeune femme doit venir régler la succession qui la prévoit héritière de la maison de son enfance, lieu de tant de cauchemars. Elle n’a pas le choix mais se fixe 2 mois pour vendre cette maison, renfermant trop de pénibles souvenirs.
« Ca ne fait que deux heures que je suis revenue et je n’ai jamais été aussi heureuse de m’être tirée d’ici. C’est rempli de touristes et de ploucs qui vivent là depuis trois générations »
Partie subitement, il y a 4 ans, sans regarder en arrière, elle a laissé derrière elle, un petit ami Josh et un meilleur ami et confident, Andrew qui va être sa première rencontre, tant d’années après. La nouvelle de son retour va circuler aussi rapidement que la rumeur dont elle a été la cible, quelques années auparavant. Et l’accueil ne va pas être des plus chaleureux.
« Tu pensais retrouver la gentille Azalée de quand on était gosses ? Etre une connasse m’a sauvée. Si je n’en n’avais pas été une au lycée, je serais sûrement morte à l’heure qu’il est – « Si seulement il savait » - »
Les souvenirs sont encore douloureusement présents mais Azalée (ou Azalea – j’aime beaucoup, d’ailleurs / ou Aze) va devoir composer avec une donnée qui n’était pas là il y a 4 ans : un nouveau voisin, Eden, ami proche de Josh. Ce dernier, bien que sur le point de se marier, semble plus que touché par ce retour ; ce qui va éveiller la curiosité d’Eden quant à sa voisine dont il va vouloir percer les secrets les plus profonds. Et autant dire qu’il ne va pas lâcher l’affaire.
« Elle est importante pour moi. Et Azalée est la première fille que j’ai aimée »
Cet été 2018 sera-t-il celui de nouvelles souffrances ou d’une délivrance justement méritée ?
Est-ce que chacun sera prêt à faire table rase des rancœurs passées pour que lumière soit faite sur une vérité, peut-être difficile à entendre ?
Malgré son jeune âge (attention à ne rien voir de péjoratif dans ce terme), Morgane MONCOMBLE signe là, un roman qui chamboule, qui interpelle et qui ne peut pas laisser indifférent(e). Surtout quand on découvre que cela a pris 3 ans pour qu’il aboutisse dans une version tellement pleine de vérités et de situations parfois insoutenables qui, comme le dit l’auteure, « Parce que la vie, c’est ça aussi. C’est le sombre, le pas beau, le triste. Et si l’on préfère généralement détourner la tête face à ce genre de choses, ça ne les fait pas pour autant disparaître ». On est loin, bien loin, du style d’écriture qui ne me correspondait pas précédemment.
Cette histoire évoque des thèmes très durs, des faits de société encore tabous dont il vaut mieux ne pas parler. « Ce dont on ne parle pas, n’existe pas », c’est bien connu. Un peu datée comme logique mais qui a, malgré tout, la dent dure encore à notre époque. Et sincèrement, je trouve que ce roman est vraiment très complet, très abouti ; rien n’est laissé de côté au risque de heurter des âmes « sensibles ». Tout simplement pour qu’on ne se voile pas la face.
« Et je pleure de plus belle. C’est ainsi que je passe une heure dans le noir de mon placard à ignorer les appels d’Andrew. Mes larmes se mélangeant à la graisse de beignet qui recouvre mes lèvres tremblantes »
C’est trois facettes d’Azaléa que l’auteure met en lumière :
1 - la jeune femme, new-yorkaise d’adoption, bien dans sa vie, dans son métier et dans son temps
2 – la jeune femme qui revient sur les traces d’un passé qu’elle voulait oublier à tout prix mais qui se rappelle à elle de manière sournoise et impitoyable.
3 – la jeune adolescente qu’on imagine meurtrie, au plus profond d’elle-même, au point de tout quitté du jour au lendemain.
De la 1ère, on ne sait pas grand-chose ; juste qu’elle semble aller bien. Contrairement à la 2nde qui, malgré une carapace, en apparence épaisse, pourrait voir ressurgir la 3ème, pour peu qu’un grain de sable vienne anéantir des années de reconstruction. Le temps d’un été et grâce à l’alternance de la narration qu’elle partage avec Eden, toute la vie d’Azalée pourrait être remise en question : son passé, son présent mais surtout son futur. Un été, c’est long et c’est court à la fois ; tout dépend du déroulement des évènements et de qui les vit (ou les endure).
Eden, ah Eden ! Formidable coup de cœur, je suis totalement tombée sous le charme de cet homme qui ne juge pas, qui ne s’occupe pas des « Qu’en dira-t-on ». Il est déterminé, il est patient, il est doux et attentionné ; il est, il est, …… je ne sais même pas quel qualificatif employer. La perfection n’existe pas mais il s’en approche dangereusement. Et il a un adorable toutou, un vrai personnage à 4 pattes dans cette histoire ; le fil invisible d’une histoire qui se dessine entre son maître et Azaléa. Secrets et souffrances bien cachés sont aussi le lot d’Eden et sincèrement, je n’ai rien vu venir. J’ai bien compris qu’il veut se racheter une bonne conduite mais à quelles fins ? Mystère à découvrir :-)
« J’ai reconnu les marques invisibles sur son visage – celles témoignant d’une douleur que seules de rares personnes endurent dans une vie. Une douleur à vif que je connais trop bien »
Malgré de beaux efforts de leur part, les amis du passé n’ont pas toujours le bon rôle dès lors que des mots durs sont prononcés, que leur susceptibilité est mise à rude épreuve ou que leur égo en prend un coup. Les rancœurs pourraient bien laisser place à de la colère, de l’incompréhension et la culpabilité au risque que tout vole en éclats et commette des dommages irréparables. Dans cette histoire, au thème de l’amitié revient un rôle primordial : il est ce lien qui unit le passé et le présent pour que les erreurs du passé deviennent de vraies forces pour remporter une bataille vers la rédemption.
"Je ne demandais qu'un jour. Un seul. On ne peut pas passer un seul jour sans que cela tourne autour de toi. Est-ce qu'on peut passer juste une soirée sans que tu sois le centre d'attention ? Ne te force surtout pas à rester"
Ce livre ne se résume pas à une chronique, à un avis jeté comme ça pour dire « Ok, c’est fait, j’ai donné mon avis ». Personnellement, ne le faisant pas sous SP, rien ne m’y oblige. Non ce livre, ce n’est pas ça ; il ne peut pas être traité comme ça. Ce livre doit être lu, de la note de l’auteure jusqu’au « Je t’aime » des remerciements.
Il doit être lu pour :
- la qualité de l’écriture et pour la solide construction qui, même si les personnages sont aussi jeunes que leur créatrice, laissent deviner une belle maturité des deux parties – autant l’auteure que ses personnages -,
- la manière dont tous les sujets ont été traités dans leur globalité pour arriver à une cohésion très réussie, malgré le fait que la lecture peut être poignante voire difficile, allant crescendo au fil des pages et des révélations.
- le courage qu’a eu Morgane MONCOMBLE d’utiliser des termes durs, de mettre en scène ce qui semble inimaginable pour qui ne l’a jamais vécu et surtout de nous pousser dans nos retranchements de manière à nous poser les bonnes questions notamment « Comment réagirais-je si tout cela m’arrivait ? »
- pour la tendresse et la légèreté de certaines répliques, que Morgane MONCOMBLE a su faire ressortir et qui contrebalancent de manière très bien dosée avec certaines noirceurs ou horreurs. Un peu comme une bouffée d’oxygène ! N’oublions pas que c’est bien de la New Romance.
« Je monte les marches du perron et saisis un sac en plastique dans lequel repose le fameux lapin en chocolat. Sauf qu’il ne reste que la tête. A côté, je lis « Vous êtes le prochain » écrit sur un bout de papier »
On ne peut pas parler de quelque chose qu’on ne connaît pas. Et je serais incapable de répondre aux interrogations que soulève, de manière pertinente, ce livre. Je pourrais écrire encore plus sur ce qu’il renferme mais on m’a beaucoup reproché de faire des chroniques trop longues. Oups, celle-là ne sera pas courte non plus
Peu importe le nombre de lignes dans un avis car pour « Nos âmes tourmentées », qui se vit plus qu’il ne se lit, il y aurait tant de choses à dire. Les avis seront toujours différents, il y aura toujours trop de « ceci » ou pas assez de « cela ». Mon ressenti c’est que ce roman véhicule des messages essentiels et que l’auteure est parvenue à les faire passer comme il se devait. C’est un concentré d’émotions à l’état brut qui s’entrechoquent, tant une émotion en chasse une autre en moins de temps qu’il ne faut pour le dire : émotion, tristesse, effroi, incompréhension, colère…. Et j’en passe !
Morgane MONCOMBLE m’a conquise par le risque audacieux dont elle a eu le courage avec « Nos âmes tourmentées ». Mon coeur s'est serré de la même façon, lors de cette lecture, que lorsque je me suis retrouvée devant elle pour cette dédicace inoubliable par l'intensité de ce que j'ai ressenti ce jour-là.
Je ne pense pas qu’elle a écrit ce livre pour avoir le meilleur score de 5* sur les diverses plateformes ou qu’elle a voulu se poser avec « mon livre est parfait ». Car sa motivation tient en de simples mots sur lesquels je terminerais : ses propres mots « Pour inviter au débat. Pour pousser une réelle réflexion derrière. Car c’est aussi à cela que servent les livres, n’est-ce pas ? » Tout est dit. Très belle lecture !
« On a tous une limite. Personne ne peut rester fort indéfiniment. Votre bonheur est une priorité. Votre existence est une priorité »