Mille livres en tête

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VertiG / Laureline ELIOT

www.kizoa.plcollage_2020-03-18_17-08-24.jpgTombée sous le charme d’une couverture superbe et d’un résumé alléchant, je n’ai pas hésité longtemps pour profiter de ce roman au titre énigmatique « VertiG » sous Service Presse. Merci à Célia et aux Editions Hugo pour cette découverte.

 

On pourrait rêver mieux qu'une rencontre, avec Ava alias Mint, sur un trottoir devant le très select "L'absinthe", véritable terrain de chasse pour cette jeune femme qui, de premier abord, semble désabusée et insensible à ce qui l'entoure. Elle se fiche pas mal de ce que les gens peuvent penser de l'image provocatrice et légère qu'elle renvoie. Ne serait-ce pas seulement pour cacher soigneusement, sous ses airs de femme forte et sûre d'elle, un passé qui l'aurait laissé fragilisée ?


"Je veux juste quitter le quotidien. Fuir la réalité quelques heures. Perdre la notion du temps. Oublier les autres et me laisser aller au vertige..."


Surtout lorsqu'on sait qu'elle dirige d'une poigne de fer, à seulement 28 ans, VertiG, une agence d'accompagnants masculins (le terme d'escorts boys n'étant pas approprié, selon moi, dans cette histoire), les préjugés peuvent revenir en force.


Mint, le temps d'un soir s'autorise les histoires sans lendemain, ni attache ; Ava, elle, est dans la retenue permanente, sentimentalement parlant, ne baissant jamais la garde. Chacune assume ses choix et ses envies.

 

« Pourquoi se compliquer la vie ? Tout est clair entre nous. Il n’attend rien de moi, ni moi de lui, si ce n’est ce qui va se passer maintenant »


Lorsque elle va croiser la route d'Oliver, un soir de lâcher prise et que le destin a décidé de les réunir dans un contexte professionnel, ses certitudes et son sang-froid pourraient bien être mis à rude épreuve.


Car lui Oliver, tout droit revenu d'Amérique Latine pour enterrer son père est très loin de cette image masculine qu'Ava a l'habitude de côtoyer. Une crise existentielle de taille lui a fait abandonner, sur un coup de tête, une vie confortable et sa famille pour se retrouver, à présent, sans rien. A devoir prendre un nouveau départ. Personnage masculin on ne peut plus normal, ça fait du bien de voir cette rupture avec le schéma classique du mâle arrogant et sûr de lui. De l'assurance il en a mais pas de celle qui agace. Plutôt celle qui n'est pas infaillible et qui à tout moment peut changer la donne en matière de sentiments. Et de l’humour aussi. Quelle légèreté dans ses propos parfois, j’ai trouvé ça séduisant et sexy. Ne dit-on pas « qui aime bien, châtie bien » ?

 

« Je n’ai jamais ressenti cela. Dans la façon dont il dévore mon corps des yeux, je perçois plus qu’un simple désir charnel. Il y a une urgence, un vide à combler. Sans doute ai-je peur qu’il change d’avis aussi…. »


Oliver sera-t-il celui qui saura voir au-delà des apparences et lire au plus profond de l'âme d'Ava ?

Qui d'Oliver ou d'Ava saura sauver l'autre des blessures du passé ?


Des joutes verbales qui pimentent la relation et des ressentis gérés de manières totalement opposées. Voilà ce que propose l'auteure sous cette plume touchante qui malmène ses personnages pour les pousser dans leurs retranchements et les mettre face à leurs démons pour mieux les combattre. Elle sait tout de même parsemer, de ci-de là une petite touche d’humour et de répondant qui allège le personnage de Mint/Ava.

 

« Ca ne vous arrive jamais de sourire ? »

« Si. La dernière fois, c’était en 2012, je dois même avoir une photo qui traîne »


J'avoue que le personnage d'Ava m'a un peu interpellé. Tant de froideur et de détachement, lorsqu'il s'agit de ses propres sentiments, ce n'est pas commun. Telle une coquille vide, elle vit sa vie en tentant d'oublier le passé Mais lorsque celui-ci, à cause d'un seul personnage détestable, lui revient sans cesse, il est évident qu'un caractère joyeux aurait été incohérent. Le fin mot de son histoire m'a touchée ; comment pourrait-il en être autrement !

 

« Je m’attends à un certain standing de ta part, malgré le monde de débauchés dans lequel tu évolues »
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Les personnages en nombre suffisant pour ne pas s’y perdre, sont parfaitement travaillés et doivent faire face à des situations poignantes qui abordent des thèmes forts et sensibles où les happy-end n'existent pas toujours.

 

Ava et Oliver, se cherchent, résistent, se titillent tel un rituel de séduction ; ça apporte une certaine légèreté et une certaine fraîcheur en opposition avec le côté poignant de leurs histoires respectives. Ils sont des êtres humains faits de chair et de sang, avec un cœur et des besoins tout simplement !

 

Mais ils vont aussi subir des revers, prononcer des mots durs dans l’attente de quelque chose qui ne viendra peut-être jamais. C'est bien là la force de ce roman. Tout en finesse et en simplicité, l'auteure offre une belle histoire qui, même si le coup de cœur n’est pas de taille XXL, ne m'a pas laissée insensible. Peu importe la taille, le plus important est que les émotions soient bien passées.

 

« L’amour ne se commande pas. J’aime cette femme et j’évolue en équilibre sur un fil si ténu que j’ai une conscience accrue du vide qui m’habitera si elle décide de rompre »

 

Laureline ELIOT a une très jolie plume, authentique et sans chichis. Elle ne s’embarrasse pas de l’inutile ; elle va à l’essentiel et ça fait du bien. Gagnante du concours EMPRISE de Fyctia, à la lecture de VertiG on comprend parfaitement pourquoi.

 

Son écriture véhicule des émotions et des valeurs tellement belles, tellement fortes qu’on se surprendrait à se retrouver avec les larmes au bord des yeux et au bord du cœur. Elle nous pousse à voir au-delà de l’autre et des apparences qu’il/qu’elle peut renvoyer. C’est une belle leçon de vie où le lâcher prise n’a rien de tabou et où la bienveillance et l’indulgence sont des combats qui ne sont jamais gagnés d’avance. Et pour toutes ces petites choses qui vont si bien ensemble et qui forment une belle unité, Vertig fait partie de ces romans à côté desquels il ne faut surtout pas passer sans s’arrêter.

 

« Plus de hiérarchie, ici. Aucun de nous ne contrôle l’autre. Juste nos deux corps qui se percutent, se mélangent et se reconnaissent »



18/03/2020
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