Les papillons se cachent pendant la pluie / Danielle GUISIANO
Il n’est jamais facile de donner son avis sur un roman tel que « Les papillons se cachent pendant la pluie » sous la plume, tellement pleine de simplicité et de vérité dans les émotions de Danielle GUISIANO. Une couverture tellement romantique, un titre plus qu'énigmatique et un résumé qui donne tout de suite le ton de ce qu’on pourra ressentir.
Merci Danielle de m'avoir accordé de découvrir cette histoire sous Service Presse !
Lorsque Blanche, jeune working woman lyonnaise de 28 ans au bord.du burn-out physique et mental, débarque, accompagnée de son meilleur ami et collègue Simon, dans le village de Sivergues, en Lubéron, le paysage et l'isolement de l'endroit sont à mille lieues de son quotidien trépidant de citadine moderne. Mais elle n'a pas le choix : la voilà partie pour un mois de solitude, dans une maison, La Tarasque, au charme désuet, héritée d'une tante, Elvira, qu'elle n'a jamais vue.
Heureusement - ou pas - pour elle, ce village perdu n'est pas seulement "ravitaillé par les corbeaux" : elle a un accès internet grâce à son voisin le plus proche, Eddy, mystérieux éleveur de biquettes, qui était très proche d'Elvira. Et elle est aussi attendue de pied ferme par des habitants toujours heureux que leur communauté puisse s'agrandir ; notamment par Constance, meilleure amie de sa défunte tante.
Mais, dans l'esprit de Blanche, tout est clair dès le départ : la Tarasque ne sera qu'une parenthèse dans sa vie. Sa seule ambition étant professionnelle, avec à la clé un poste depuis si longtemps convoité, pour une reconnaissance enfin méritée.
Un mois, c'est long et court à la fois, et même un changement de vie, aussi minime soit-il peut bouleverser une (ou plusieurs) vie(s) à jamais. Avec des secrets bien cachés et un puzzle à reconstituer, Blanche pourrait bien partir sur un chemin inconnu à la rencontre d'elle-même mais aussi de l'âme d'Eddy, aussi brisée que la sienne si ce n'est plus.
Et si c'était cette tante inconnue qui détenait la clé du bonheur mérité de sa nièce ?
Entre ambition et renaissance, lequel des deux arrivera, finalement, à s'imposer ?
Dans ce roman aux connotations vraiment émouvantes, Danielle aborde, sans jamais se perdre, des thèmes vrais et tellement forts qui se développent et évoluent au fil des presque 300 pages que compte cette histoire. Thèmes d’actualités, thèmes tabous dont tout le monde a conscience mais préfère ne pas en parler, des thèmes qui nous font voir notre vie autrement.
Tout commence par un prologue où l'on découvre un épisode marquant de la vie de Blanche à 7 ans, comme pour poser l'histoire et comprendre, tout au long de la lecture, ses angoisses, ses choix et motivations futur(e)s et ses besoins irrépressibles.
Elle bouleverse la vie et l'esprit d'une jeune femme 100% citadine, en grande souffrance physique et morale, en l'immergeant dans un univers qui lui est totalement étranger et qu'elle n'aurait pas choisi d'elle-même, s'il ne s'était pas imposé à elle.
"Qui aurait cru que les klaxons et les bruits de la ville me manqueraient à ce point ? Le camion poubelle de 5h du matin avait finalement un côté rassurant"
Blanche est une jeune femme ambitieuse à l'extrême, forte et fragile à la fois. Elle sait ce qu'elle vaut, elle sait prouver ses compétences mais malgré tout, par manque de confiance, elle est en attente constante d'une reconnaissance paternelle et professionnelle. Et surtout, elle attache beaucoup d'importance aux regards et aux jugements des autres avec une vision d'elle-même totalement faussée.
« Je frictionne encore les zones qui me font horreur – mon ventre, mes cuisses, mes fesses -, en fermant les yeux. Je veux fuir cette réalité : celle où je dois admettre que je ne suis pas parfaite »
Orpheline d'une mère aimante, toute sa vie d'enfant et d'adulte a été rythmée par l'exigence d'un père autoritaire, dont elle n'arrive pas s'affranchir. Ce père qui a toute son importance au fil de l'évolution de Blanche. Mais aussi par l'exigence d'un monde professionnel dans les codes esthétiques duquel elle ne semble pas rentrer, lui demandant de constants efforts quitte à la mettre en danger.
Boulimique de travail, de sucrerie et de reconnaissance, sa vie est faite d'excès ; jusqu'au jour où le fil fragile qui la maintient, se rompt. La seule solution : quitter un monde de futilités et de faux-semblants pour apaiser son âme et son corps si durement meurtris.
« Ne pas se laisser influencer par le regard des autres, car il n’a que le poids qu’on veut bien lui accorder »
C'est en Provence, région chère à l'auteure, que Blanche va tenter de se reconstruire. Je dis bien tenter car quitter Lyon et une vie à 100 à l'heure pour le Lubéron et son calme paisible, on imagine que ce n'est pas une mince affaire : « Koh Lanta au fin fond du Lubéron ». Dans une société de technologies et de réseaux sociaux, on se plaît à penser que rien de tout ça n'existe là-bas pour une déconnection totale et bénéfique.
Ce décor idyllique abrite une toute autre population qui n'a rien de commun avec la froideur et l'anonymat des grandes villes. Tout le monde se connaît et surtout chacun est là pour l'autre. L'art de vivre et la bienveillance y sont cultivés de manière vraie et touchante. Une belle image qu'on peut se faire de l'accueil des gens du Sud.
Même Eddy, qui est un personnage assez secret et discret voire un peu rustre, est parfaitement intégré à ce monde rural, depuis 4 ans, notamment grâce à Elvira, Constance et son métier d'éleveurs de chèvre et fabriquant de fromages. J'ai apprécié de le voir intervenir en alternance et de découvrir un tel modèle de simplicité et d'empathie au masculin. On sent qu’il est attaché à cette nouvelle vie et à la terre.
« Cet homme a un cœur d’or. C’est dommage qu’il ne l’ait donné à personne »
L'auteure a créé un homme apprécié de tous mais qui cache, des blessures et des douleurs physiques et psychologiques. Et un secret que Danielle ne nous cache pas longtemps ; qui nous permet, au contraire, de mieux appréhender les sentiments, les paroles et les actes de celui dont je me suis finalement sentie le plus proche. Peut-être est-ce dû au fait que son entourage est composé de plus de personnages secondaires que celui de Blanche. Ou que la manière dont il a touché un terrible fond est d'un degré supérieur en terme d'atrocité mais qu'il apparaît comme guéri.
Parmi les personnages qui comptent, dans cette histoire, il y a Simon, le fidèle ami de Blanche. J'avoue qu'il m'a laissé un peu dubitative car même s'il est son meilleur ami, il n'en reste pas moins un collègue ; donc trop impliqué dans ce monde dont Blanche doit à tout prix s'éloigner. Et qui, du coup, la maintient en liaison indirecte avec un univers toxique pour elle. Ses motivations semblent sincères mais j'ai eu comme l'impression qu'il ne mesurait pas l'étendue du mal qui ronge son amie alors que c'est lui qui l'a incité à s'éloigner. Bien sûr, c'est ma vision, mon ressenti.
Et impossible de ne pas parler d'Elvira et de Constance. La première, Elvira, n'est plus là physiquement mais belle et bien omniprésente tout au long de l'histoire ; tant on apprend beaucoup sur elle aux travers des souvenirs des uns et des autres. Ce qui permet à Blanche, de connaitre, trop tardivement, une tante qui méritait à être connue tant ses qualités semblaient grandes. La seconde, Constance, est un magnifique personnage, lumineuse et plein de bienveillance, qui va faire perdurer la mémoire de son amie et en qui Blanche va trouver, elle aussi, une amie. J'ai vraiment adoré ce personnage.
« L’argent est un moyen, pas une fin. Il ne doit pas nous forcer à nous résigner »
Cette histoire émouvante ne donne pas dans la précipitation. Elle est construite de manière logique selon un processus qui semble parfaitement cohérent. L'auteure joue avec les démons intérieurs et les démons du passé pour que ses personnages traversent des étapes similaires à des montagnes russes, alternant la joie, la tristesse, l'espoir et la déception voire la désillusion. Le chemin vers l'apaisement et la reconstruction est souvent jalonné d'embûches. Danielle l'a parfaitement illustré tout en ne tombant pas dans le mélo et en mettant en opposition famille de sang et famille de cœur. Elle n'a pas enjolivé son histoire pour en faire une simple romance. Elle l'a écrite comme il se devait, à mon sens. Tout est parfaitement dosé pour amener de l’espoir dans la noirceur émotionnelle de deux êtres faits pour s’envoler ensemble vers une reconstruction nécessaire et méritée.
« La liberté c’est aussi d’avoir le choix, même si certains choix ressemblent à un sacrifice »
Ce roman c'est un peu l'illustration de "on sait ce qu'on perd mais pas ce que l'on gagne" où la peur de l'inconnu est tellement présente. Nous incitant, cette fois, à nous projeter dans un avenir plus positif qu'une vie acquise et idéalisée grâce à des chimères. Et à envisager à un retour à des choses simples mais des choses vraies. Comme un retour aux bases du "savoir s'accepter tel que l'on est et pas comme la société voudrait que l'on soit". C’est bien tout là le problème de Blanche : elle ne s’assume pas telle qu’elle est et fuis en permanence en se plongeant, corps et âme, dans son travail.
Cette romance « provençale » dans un univers on ne peut plus réaliste, est un joli coup de ♥ de par tout ce qu’elle contient et de ce qu’elle m’a fait vivre et ressentir. On sent que Danielle a mis beaucoup d’amour et de passion dans cette écriture. Et c’est typiquement le genre de lecture pour laquelle une simple chronique ne suffit ; il y a tant à dire et en bien seulement. Bien sûr, je ne peux que la conseiller à toute personne qui aime les histoires pleines d’émotions et de messages forts. C’est un vrai bon moment de lecture !
« Les méandres de la destinée restent incompréhensibles à chacun de nous. La seule chose qui soit limpide, c’est que rien n’est un hasard »