Là où l'ombre ne nous rattrapera pas / Elise PICKER
Souviens-toi, c'était un jeudi
Souviens-toi, on avait suivi
Le chemin des amoureux
C'était il était une fois nous deux
Souviens-toi, c'était le grand jour
Le grand pas vers le grand amour
C'était encore mieux que ça
C'était nous deux il était une fois
Emouvant, puissant et intense ! Voici les trois mots qui me viennent spontanément alors que je viens de refermer le dernier roman d'Elise PICKER "Là où l'ombre ne nous rattrapera pas" paru chez Art en mots Editions il y a seulement quelques semaines.
Elise n'est pas une auteure qui m'est inconnue puisque je l'avais déjà découverte avec "Correspond@nces" qui a été une très belle surprise littéraire. C'est donc tout naturellement que j'ai acheté son dernier roman à la couverture sublime et au titre un peu énigmatique.
C'est dans un train entre Toulouse, sa ville natale et Limoges qu'on va rencontrer Solveig, jeune étudiante de 19 ans en 2ème année de psychologie qui prend son envol loin du cocon familial et de ses parents pour faire un stage, dans le cadre de ses études, dans une structure spécialisée dans l’autisme, dans laquelle travaille sa tante Françoise qui l’hébergera.
Jeune femme solitaire et réservée, sa vie sociale est bien loin de ressembler à celle des jeunes de son âge. Plus tout à fait une enfant mais pas totalement femme non plus, celle qui se trouve dans la période des premières fois en tout genre est loin d'imaginer que sa vie va prendre un tournant important.
Lorsque Maxime, étudiant en école d’infirmiers à Tulle vient s'asseoir près d'elle le temps de quelques heures, l'heure des premiers émois a sonné. Et dès lors, le jeune homme ne quittera plus ses pensées.
Mais que peuvent-ils espérer d'une rencontre entre deux trains et de quelques instants de bonheur que le destin veut bien leur accorder ? Et si cette réalité éphémère n'était finalement qu'une belle parenthèse qui peut à tout moment se refermer ?
Qu'est-ce que j'aime ce genre d'histoire et qu’est-ce que j’ai aimé celle-ci ! L'auteure m'a offert un billet simple vers un pur moment de bonheur livresque. Et ce n'est pas peu dire, je n’en suis toujours pas revenue. Même pas une ½ journée pour dévorer ce petit bijou, ça illustre bien le coup de cœur que j’ai eu pour Maxime et Solveig qui m’ont totalement déconnectée de ma réalité pour m’enfermer dans leur bulle de douceur mais pas que…
Le schéma de base de ce roman est forcément intrigant et ne peut qu’attirer puisqu’avec une rencontre dans un train on se demande comment l’auteure va arriver à faire aboutir une histoire de plus de 300 pages sans tourner en rond. Et bien, Elise PICKER y est parfaitement parvenue. Et quel résultat !
J’ai été immédiatement touchée par Solveig, par ce manque de confiance en elle qui la caractérise et par sa simplicité, sa timidité et son caractère réservé qui font qu’elle est comme beaucoup d’entre nous : une jeune femme qui ne fait pas de vague, qui se fond dans la masse pour se faire oublier et s’effacer totalement. Et je n’ai pas pu faire autrement que d’être profondément touchée par ce personnage, un brin romantique lisant Jane Austen et ses « Raisons et sentiments », amoureuse de littérature et des mots qui n’a pour confident qu’un fidèle carnet qui accueille ses pensées et ses émotions.
« Les beaux discours, les belles réparties, c’est dans ma tête seulement. Quand j’ouvre la bouche, plus rien ne vient. Je suis une fille paradoxale »
Fidèle à ce qu’elle est, sa 1ère rencontre avec Maxime est totalement à son image : simple et discrète. Quelques mots échangés seulement et la vie continue. Sauf que lorsque la vie décide de mettre son grain de sel, elle ne continue pas de manière aussi simple. Une 2nde rencontre fortuite - ou non - et le chemin tortueux entre le rationnel et l’émotionnel commence pour ne plus s’arrêter.
Touchée je l’ai été aussi par Maxime, personnage pourtant jeune mais qui n’a rien d’un bad boy. Lui qui a de solides références en poésie m’a touchée en plein cœur. Non pas que je sois une experte en la matière ou particulièrement sensible à cet art, mais quand l’auteure attribue une telle passion à un protagoniste masculin, mon âme de romantique répond présente. Tous les extraits insérés, de ci de là dans le texte, sont judicieusement choisis et collent toujours tellement à l’histoire, aux ressentis et aux émotions des personnages. Et apportent une touche incroyable de romantisme et de tendresse ! Qui n’est pas sensible à de beaux billets doux ? Pas moi, assurément !
« Ton Souvenir est comme un livre bien aimé,
Qu’on lit sans cesse, et qui jamais n’est refermé,
Un livre où l’on vit mieux sa vie, et qui vous hante,
D’un rêve nostalgique, où l’âme se tourmente »
Mais Maxime, c’est un homme avant tout, qui est mis face à des sentiments soudains et tellement forts. Et la puissance de ses émotions va être telle qu’elle va nous le révéler imparfait d’une belle imperfection qui fait qu’au lieu de le détester, je l’ai aimé encore plus au point de ressentir parfois autant de peine et d’empathie pour lui que pour Solveig. Ils ont formé une telle unité dans mon âme et dans mon cœur, comme une évidence à laquelle rien ne pouvait arriver.
« Comme pour imprimer chaque parcelle de mon épiderme dans sa mémoire corporelle »
Sauf que la force de cette histoire c’est justement que l’auteure entraîne ses personnages dans l’exploration de nombreuses premières fois : premier sentiment amoureux qui connaîtra sa première déception, premier questionnement sur l’amour après avoir connu et idéalisé celui avec un grand A, première ouverture aux autres et donc premières réelles amitiés, premier réel affrontement avec une vie faite de bonheurs et de peines... Tellement de premières fois, toujours et encore !
La vie est une éternelle donneuse de leçons et même si elle n'est pas toujours bonne conseillère, même si elle nous met face à des épreuves parfois douloureuses, elle est la plus à même de nous faire avancer, de nous faire grandir et de nous faire évoluer. Dans le bon comme dans le mauvais, on apprend toujours de la vie et d'elle seule.
« Cette vie qui impose des épreuves tellement douloureuses, mais qui peut offrir le plus doux des cadeaux »
Et cette sensation est très bien illustrée dans ce roman qui va voir une héroïne évoluer en encaissant les épreuves d’une vie qu’elle va affronter avec beaucoup de force de caractère, qui va trébucher sur des écueils impossibles à voir arriver mais qui aura toujours cette volonté de se relever. Elle ne fera peut-être pas toujours les bons choix, elle aura sûrement des moments de doute mais jamais elle n’apparaîtra comme une petite chose fragile et faible. Finalement, plus les étapes de sa vie vont défiler sous nos yeux, plus elle s’éloignera de celle qu’on aura rencontrée entre deux trains. Et j’ai vraiment aimé cette évolution qui renforce les sentiments envers elle, au fil des pages.
"L’amour n’est-il pas censé vous embarquer ? Vous rendre incapable de réfléchir ? De penser à quelqu’un d’autre ?"
Il y a un point que j’ai vraiment apprécié, et merci à l’auteure pour ça, c’est que le roman est vraiment concentré sur Solveig, sur ses sentiments et sur ses amours, ses relations et ses amitiés. J’avais un peu peur que l’aspect « études » soit trop présent dans l’histoire et qu’il prenne le dessus en entraînant des longueurs ou une certaine pesanteur. Et finalement, hormis quelques évocations, on est vraiment sur une romance et un parcours de vie tels que je l’espérais. Pourtant, moi qui suis une adepte du double point de vue qui est absent ici, ça ne m’a pas manqué.
Bien sûr, l’auteure n’a pas choisi la facilité en écrivant une histoire prévisible et j’avoue qu’elle a su me surprendre avec un retournement de situation qui donne une toute autre dimension à la suite et lui fait prendre une autre direction. Il ne faut pas s’attendre à quelque chose qui retourne le cerveau mais qui est suffisamment bien écrit pour faire son effet le moment venu et qui est parfaitement cohérent avec tout le reste. Je ne vais pas dire que j’ai été agréablement surprise par cette annonce mais j’ai été surprise tout court. Et j’ai apprécié ! Comme j’ai adoré l’attente dans laquelle Elise PICKER nous maintient constamment et qui engendre une certaine addiction mêlée à une certaine frustration qui pour le coup ne font naître aucun sentiment négatif, bien au contraire. Etrange que ce ressenti !
« Mes yeux ne le trouvent pas. Ai-je rêvé ? Me cherche-t-il aussi ? Est-il reparti ? Monté dans le train ? »
Si on met de côté Solveig et Maxime, il y a un personnage auquel je me suis vraiment attachée et qui est réellement un point fort de ce roman et un très beau coup de cœur pour un personnage secondaire : Marianne. Elle apparaît comme la rencontre essentielle dont avait besoin Solveig et c’est un personnage sublime qu’a créé l’auteure. Lui trouver des points négatifs est impossible, en tout cas pour moi qui ai adoré tous les passages dans lesquels elle apparaît. Un personnage indispensable pour la solidité de l’histoire et marquant pour la lectrice que je suis.
« Là où l’ombre ne nous rattrapera pas » fait partie de ces romans dont je pourrais parler encore et encore, tellement il y a de choses à dire dessus. Sur la beauté de la plume de l’auteure qui avec sa simplicité sait toucher les âmes et les cœurs de ses lectrices, sur la beauté des personnages qui émergent de son imagination, sur la beauté des sentiments et des émotions qu’elle sait faire naître en ses personnages mais aussi en ses lectrices et sur la trace indélébile qu’elle laisse forcément dans nos esprits, en tout cas dans le mien.
Deux livres, deux manières différentes, pour moi, de découvrir Elise PICKER qui est une auteure dont l’authenticité et la douceur sont incontestables. Elle donne vraiment tout son sens au mot LITTERATURE dont elle est une réelle représentante de qualité notamment en romance, en ce qui me concerne. Elle manie les mots de telle sorte qu’il est impossible de rester impassible en la lisant.
C’est donc sur un énorme coup de cœur que s’est achevée cette lecture qui figure dans les romans que je lirais à nouveau avec plaisir. Si comme moi, la simplicité et l’authenticité font partie de vos critères de sélection pour une lecture touchante et marquante, « Là où l’ombre ne nous rattrapera pas » à sans aucun doute sa place dans votre bibliothèque. Alors très belle lecture !
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